Je ne pensais pas écrire sur le sujet, ce d'autant moins qu'il a des répercussions considérables et notamment sur des questions qui me taraudent depuis longtemps. Et ces répercussions engagent d'autres débats, voire de réels combats. Mais en l'occurrence, ici, dans cette déplorable affaire d'annulation de mariage intervenue à Lille, où même Elisabeth Badinter, pour qui j'ai le plus grand respect, se dit "ulcérée", je constate que des forums du quotidien
Libération à ceux d'Agoravox, hormis quelques voix, c'est la curée.
On pourra m'accuser de
dhimmitude si on le souhaite. Il me semble qu'à cet endroit, la défense de la laïcité se trouve malmenée ainsi que les revendications légitimes des femmes qui se battent pour leur goût à vivre en homme libre et à disposer du droit de leur hymen à se déchirer sous les assauts d'un cheval d'arçon ou ceux d'un premier amant. Il me semble que, de surcroît et encore une fois, nos petits amis qualifiant d'islamophobie toute critique de l'islam et leurs "frères" en intégrisme toute irrévérence à l'égard des religions en général vont se pourlécher tant est grande la confusion entre droit civil, aspect contractuel du mariage, voire amour, convictions intimes et/ou religieuses, archaïsmes sociétaux et religion.
Pour information, voici l'éditorial [commenté] de Laurent Joffrin sur le sujet hier samedi 31 mai :
"Régression
Donc, la virginité serait une «qualité essentielle» des jeunes épousées dans la France de 2008 [Nul ne l'a prétendu. Il s'agit d'une qualité que les deux protagonistes reconnaissent comme essentielle dans l'union qui les concerne, et celle-ci uniquement puisqu'il ne s'agit pas de légiférer sur les qualités essentielles d'un mariage en général]
. Depuis des générations, féministes et laïques se sont battues pour combattre ce préjugé archaïque [Certes. Pas pour interdire à ceux qui en ont la conviction, quelle que soit leur religion ou absence de croyance, de se présenter vierges s'ils souhaitent se marier en l'état]
. Et voilà qu'un tribunal républicain, en annulant un mariage pour cause de mensonge intime [Puisque ce mensonge intime conditionnait l'union de part et d'autre, c'est bien lui qui peut la délier il me semble]
, lui donne soudain la solennelle sanction de la jurisprudence !
Jour faste pour l'internationale des cagots [Comme c'est bien vu...]
, victoire pour la grande ligue des obscurantistes de toutes obédiences [Je réclame le droit à ne pas chanter avec des obscurantistes d'un autre ordre]
.
Certes, les autorités françaises, dans l'application des principes légaux, doivent parfois faire preuve de tact avec les minorités croyantes [Il ne s'agit pas d'une revendication particulariste autour d'une croyance, même si les protagonistes sont musulmans et peut-être rigoristes, mais autour d'un point essentiel, oui, désolée, du contrat qu'ils ont passé dans leur intimité de couple]
. Certes, les mécanismes de l'intégration républicaine doivent, dans certains cas, prévoir des étapes transitoires sur cette route escarpée. Certes, d'autres mensonges peuvent légitimement conduire à l'annulation - rare - de certains mariages [Renseignements pris, ce n'est peut-être pas si rare, et il semblerait qu'en 1997 un mariage catholique ait été annulé lorsque l'époux a appris que sa dame, ou l'inverse, avait précédemment divorcé]
. Mais nous avons affaire en l'espèce à un cas flagrant de régression discriminatoire [Où se situe une discrimination quand les deux parties s'entendent pour mettre fin à une incompatibilité manifeste ?]
. Les hommes n'ont pas, eux, et pour cause, à prouver leur virginité avant de convoler en justes ou injustes noces [Certes, c'est une injustice et un autre sujet.]
. Rachida Dati parle de «protéger» les jeunes filles placées dans ces circonstances humiliantes [Et si elle n'avait pas tort, en l'occurrence ?]
. La décision de la justice d'instance menace surtout l'émancipation future de centaines de milliers d'autres jeunes femmes [Bien au contraire, elle vient d'en libérer une sans plus de formalités]
qui ont droit, comme toutes dans ce pays, à la libre disposition de leur intimité [Précisément, on viendrait à en douter à lire cet article]
. La liberté de culte est garantie en France. Pour le reste, est-ce à la religion de s'adapter à la République, ou bien l'inverse? [Débat tronqué, aucune exigence religieuse n'a été considérée comme prévalant sur le droit, en l'espèce.]
Il est temps que la justice réponde clairement à cette question d'avenir [Il est surtout temps de poser les questions à l'endroit où elles se posent et de ne pas s'indigner de travers]
."
Et voici un début de commentaire que je n'arrive pas à poster chez les amis de la Bande Verte pour cause de Web2 je suppose, auquel mon navigateur ou mon ordinateur semblent allergiques.
Je n'approuve absolument pas l'indignation que vous semblez partager concernant cette annulation de mariage et pire encore, elle constitue à mes yeux une erreur de jugement qui va à l'encontre de tous les principes que nous défendons : laïcité, égalité de droit, voire démocratie.
Je suis pour toute dire atterrée de la colère de cette grande dame qu'est Elisabeth Badinter sur le sujet, je ne comprends pas sa réaction, pas du tout.
Ce n'est pas d'un jugement condamnant par avance les femmes non vierges au jour du mariage qu'il s'agit, mais d'un jugement qui défait un contrat entre deux parties consentantes et pour le passer et pour le rompre.
Que l'homme en question mette un point d'honneur (et que sait-on, d'ailleurs, de ses motivations ? peut-être que c'est un gros con, peut-être que c'est un grand romantique ; peut-être agit-il au nom de sa religion, peut-être en sa conviction propre - ça ne nous regarde pas plus qu'un drap souillé la communauté qui le réclame) à ce que sa promise n'ait pas été déflorée est une chose. Une exigence qu'on peut tout à fait estimer archaïque. Ou respecter en tant qu'elle n'induit pas de violence à l'encontre de sa future épouse et qu'elle est partagée par elle.
Laquelle semble d'ailleurs ne pas contredire l'annulation et bien au contraire l'avoir souhaitée également (ici, je me demande ce qui autorise qui que ce soit à la considérer comme une victime étant donné qu'elle échappe par là même à la contrainte de rester liée plus longtemps à ce monsieur, et si elle s'était trompée sur son compte, espérant peut-être que son désir d'elle survivrait à la béance, bien que si l'on se renseigne un peu, il appert que c'est la confiance trahie qui a été invoquée par le plaignant, ou plus précisément le fait que, légitimement il me semble, il ait considéré ne pouvoir fonder une relation durable sur un mensonge de l'ordre pour lui de l'indépassable, la lucidité l'aura rattrapée, et à son avantage, la justice lui permettant de prendre la poudre d'escampette sans plus attendre).
Le pseudo-combat engagé ici me semble non seulement déplacé et ridicule, mais totalement à côté de la plaque. En tout cas exprimé tel qu'il l'est, c'est-à-dire en déviation par rapport à la nature du jugement.
Pas plus que son absence de virginité ce n'est le "mensonge en tant que faute intrinsèque" qui a été jugé, mais tout simplement la validité du contrat passé entre les deux protagonistes qui, à mon avis, se seraient bien passés de cette publicité.
Et la jeune femme, en plus de subir l'humiliation qui consiste à se faire raccompagner au domicile familial après avoir supporté celle qui consiste à ce que tout un groupe d'individus dans son cercle social n'ignore plus rien de la configuration de son sexe au soir de ses noces, se serait sûrement passée aussi de voir son hymen perdu devenir cause nationale alors même qu'elle n'a rien demandé. Hormis l'annulation du mariage, devant le juge.
D'ailleurs les deux ont préféré garder l'anonymat et je leur souhaite sincèrement de ne pas être trahis, même si personnellement, évidemment, je n'aurais jamais souhaité me lier à un individu capable de me repousser pour déception vulvaire, pardonnez l'expression, mais immanquablement cette affaire évoque l'insupportable main-mise d'une "morale" sociétale sur les parties intimes des femmes. Où le mammifère humain doté de chromosomes XY s'entête à placer son honneur - voire celui de l'intégralité de sa tribu - entre les cuisses du mammifère humain XX. Et ce sur une question sanguinolente que l'on juge à juste titre parfaitement indigne. Où la morale de l'organisation sociale chez le primate bipède mâle doté d'une boîte crânienne de bonnes dimensions se loge dans l'accès à l'appareil reproducteur du primate bipède femelle doté d'une boîte crânienne d'égale dimension et nous renseigne si c'était nécessaire sur l'obsession qui fonde les communautés humaines face au néant qui les emporte.
Or ce débat-là ne peut pas être engagé de cette manière autour de ce jugement, je pense. Enfin, pas ce débat-là, là, l'autre. Celui du mythe de la virginité appliquée aux jeunes femmes et à elles seulement. Qui conduit de nombreuses femmes par le monde et ici même à subir une opération chirurgicale de reconstitution de l'hymen pour échapper à l'opprobre familial. Quand d'autres, plus malignes, préservent la notoriété frontale en optant pour la cause anale. Je me demande à propos pourquoi certains prédicateurs, si prompts à légiférer, pour le coup, sur tous les aspects de la sexualité en général et féminine en particulier, n'ont toujours pas pensé à éditer et diffuser dans toutes les bonnes librairies intégristes un
Manuel de la sodomie à l'usage des vierges (et des poissons). Enrichi d'une postface sur le bon usage de la fellation et du cunnilingus.
Cela dit, je ne suis pas personnellement choquée que des jeunes gens décident de rester bibliquement inconnus jusqu'au mariage, ce qui fut le cas de mes parents. Je ne vois pas en quoi ce choix personnel porterait atteinte à mes convictions, me ferait violence d'une quelconque manière, et en quoi je devrais l'interdire, au prétexte qu'il serait nécessairement motivé par l'exercice d'une religion et quand bien même, je le répète, à partir du moment où il est librement consenti et bienheureusement vécu. Sans devenir loi pour tous, évidemment.
Aucune commune mesure avec la question du voile à l'école, par exemple. Ni avec celle des horaires de piscine, puisqu'on parle de région Nord-Pas-de-Calais et de communautarisme.
Rien à voir non plus avec les violences subies par les femmes dans l'islam, puisqu'on parle d'islamisation.
La justice n'a pas prononcé ici de jugement
moral sur la valeur accordée
par un couple précis à une virginité prémaritale. Elle n'a pas non plus soumis le droit à une quelconque pression religieuse. Elle n'a pas, prononçant ce jugement, ouvert la voie à une légitimation des crimes d'honneur, de la lapidation, de l'excision, de l'infibulation et des mariages forcés. Elle n'a pas dit que toute femme musulmane, voire toute croyante, voire toute femme pourrait dorénavant être reconnue coupable de ne pas se présenter chaste à l'autel. Ni même que mentir sur la présence ou non de l'hymen est condamnable.
Oui, je trouve franchement aberrant de lire ici et là (Libé, Agoravox) que la justice française trahirait la laïcité dans ce jugement, épaulerait l'obscurantisme le plus crasse et sombrerait bientôt dans le communautarisme, voire l'islamisation de ses valeurs.
Et je souffre que mon ami WIL à qui je ne peux pas répondre pour raisons techniques, mais dont j'ai pu lire la réaction, puisse imaginer une seule seconde que je considère les femmes comme du bétail parce que je n'adhère pas à ce qui semble, pour une fois, rassembler tout le panel politique de l'extrême-gauche (le PC) à l'extrême-droite (le FN). Tous aussi impatients de dénoncer une prétendue main-mise de l'Etat en la personne de son représentant de l'exécutif sur l'intimité des femmes et leur dignité. Quand le motif peut tout aussi bien être le fait d'avoir caché un divorce antérieur, ou des condamnations, ou une incapacité à exécuter le devoir conjugal. Et Ségolène qui aurait mieux vu un divorce...
Au fond cette question de l'hypocrisie sociale me révulse absolument.
Le point de vue d'un avocat
ici.
Celui de Caroline Fourest
là.
Et celui de l'
Eglise catholique.