• © non mentionné

    David Martin-Castelnau
    a écrit l'article le plus synthétique et le plus intelligent que j'ai pu lire suite à cette magnifique nouvelle qu'est l'accession de Barack Obama à la fonction présidentielle :
    "Un peu partout dans le monde, les contempteurs de l'Occident se réjouissent ce matin de l'élection de Barack Obama. Altermondialistes, islamo-gauchistes, néo-guévaristes, révolutionnaires et autres non-alignés ont fiévreusement espéré cette victoire dont ils attendent un bouleversement majeur. Laissons-les à leur rêve éveillé : ils réaliseront bien assez tôt que le succès d'Obama pourrait marquer leur complète défaite idéologique."

    Lecture à compléter avec l'excellente analyse de Florentin Piffard : "Il faut sauver le soldat raciste".


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  • En partant tu m'embrasses, tu me souhaites de dormir quand même. Tes joues encore colorées des vacances, ces congés payés qui ont chronométré tes jours depuis environ dix ans, tu as quoi, tout juste la trentaine. Ton regard hébété, jamais tu n'aurais pu imaginer que ce serait un jour à toi que cette chose-là arriverait. Tu trembles un peu. C'est encore un écran de cinéma, un mauvais rêve. Demain tout va changer, tout sera au poste, en place.

    Et moi je te réponds tout sourire eh bien, j'en ai vu d'autres. Peur de rien. Des bagages, des changements, des pertes, du manque d'argent. Pas pour autant que je te tiendrai le discours des déhairhaches sur la mobilité. Ce n'est pas de ça que j'ai peur.

    Toi non, toi non et toi non plus vous ne savez pas. Cette vie, vous la viviez ainsi, ici. Cette vie que je n'ai jamais désirée, la tienne, la vôtre, me contemple, désarmée. Corps nu, innocent, fragile. De l'innocence à la bêtise, en moi la révolte et l'ennui, le chagrin le dispute au sarcasme. Comment, vous ne saviez pas. Comment, vous ne savez pas ! Les souvenirs m'encombrent. Ne demeure que ton visage, celui d'un condamné abasourdi par la sentence, précurseur qui s'ignore.

    La violence qui t'étreint n'est pas de son fait à lui. Cette violence m'est soudainement pire, comme celle des rescapés. Je pars fumer comme si la cigarette allait faire œuvre. Sa fumée t'apaiser en silence.

    Et l'inconnu à cet instant, avec son enthousiasme et ses questions.

    Je ne peux pas écrire ce soir.

    Tout fuit.

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  • Charlie Chaplin - Les Temps modernes.

    Attaqués de toutes parts, les meilleurs humoristes français subissent depuis quelques années une ostracisation croissante. Principalement ceux qui, tels des La Fayette des Temps modernes, font de leur corps martyr un rempart contre une pensée liberticide qui ne les trouve pas toujours très drôles.

    La France, célèbre dans le monde entier pour la finesse de ses humoristes contemporains que jalousent les Kazakhs n'ayant que Borat et les Américains que Woody Allen et Aron Kader à leur opposer, la France relève enfin fièrement la tête de la grisaille putride où l'entraîne la censure des libertomanes. Vous savez, ceux qui seraient prêts à agonir d'insultes anonymes le premier soupçon de pensée déviante. Suivez mon regard. (Enfin, tout dépend de vos lectures mais certaines valent mieux que d'autres. Que dis-je. Certaines devraient être proscrites. Ainsi, il est tout à fait malsain de lire tout à la fois Finkelkraut et Soral, par exemple, surtout si vous cachez une Bible sous votre matelas. Comme d'écouter Bach et Mozart, en gros.)

    Oui, la France crée aussi. Sur ce formidable outil citoyen que sont les forums, véritable agora sur laquelle chantent toutes les libertés enfin retrouvées, elle conceptualise dès l'aurore. L'on voit ainsi fleurir une invention par jour, il suffit de se promener: de "judéomane" et "judéolâtre", le lexique n'est guère long qui conduit cette semaine jusqu'à l'amoureux "sinéphile". Non, pas l'amoureux du septième art, celui-ci s'écrit avec un "c". Ni non plus le passionné de race canine, qu'on appelle cinophile. Le défenseur du droit de la France à rire. Que dis-je, l'ordonnateur du devoir de la France à rire.

    On ne vous a rien dit ? Alors je transmets l'information.
    Dans cette France aujourd'hui l'on tente de bâillonner l'irrésistible besoin de rire qui serait le propre de l'homme. On se souvient avec émotion de la manière dont Bigard, à l'aise dans son slip, décomplexé, a été violemment conspué lors de son Vatican Tour. On n'ignore pas non plus au prix de quelles contorsions révolutionnaires Dieudonné, héroïque, emplit chaque soir la jauge de la Main d'Or, son théâtre privé. Et combien il est périlleux pour un Christian Clavier, pire encore pour un Guy Bedos, de s'exprimer en public.
    C'est qu'on ne nous la fait pas à nous, citoyens vigilants.
    La bataille qui se livre aujourd'hui, c'est la lutte finale de l'humour. Sinéphiles contre Charliphiles. David contre Goliath. Néo contre Smith. L'infiniment petit contre l'infiniment grand. Un combat homérique dont le Citoyen sort grandi, armé chacun de sa juste Cause.

    Dans le brouhaha de cette farce sinistre et désastreuse, où Claude Askolovitch et BHL auraient pu s'abstenir de commenter aussi gravement, et Philippe Val, en tant que rédacteur en chef, lire une chronique de son journal avant qu'elle ne soit publiée, deux voix heureuses se font entendre. Celle d'Elisabeth Lévy en son salon du Causeur et celle de Philippe Cohen sur Marianne2 .
    Remarquez, les forumeurs perspicaces ont déjà promptement noté qu'ils ont des noms à peine Français. Mais ce n'est sûrement pas Pierre Desproges qui les sortira de la salle.

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  • "Les mots peuvent être comme de minuscules doses d'arsenic : on les avale sans y prendre garde, ils semblent ne faire aucun effet, et voilà qu'après quelque temps l'effet toxique se fait sentir. Si quelqu'un, au lieu d'héroïque et vertueux, dit pendant assez longtemps fanatique, il finira par croire vraiment qu'un fanatique est un héros vertueux et que, sans fanatisme, on ne peut pas être un héros."

    Victor Klemperer - LTI, la langue du IIIe Reich.

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  • Le mercredi 17 juillet, l'échange macabre entre Israël et le Liban a donné lieu à des réjouissances orchestrées et mises en scène par le Parti de Dieu. L'ancien prisonnier Samir Kuntar a été salué comme un héros national, lui dont le fait d'armes est d'avoir fracassé le crâne d'une enfant de quatre ans après avoir abattu son père sous ses yeux. Sur cette mascarade ignominieuse, pas une ligne dans les journaux. Hormis cet article de Robert Fisk dans l'Independant, celui de Gaby Naser dans L'Orient-Le Jour. Et WIL sur son blog.

     

    Lorsque Hassan II, défunt despote marocain, affirmait qu'Israël représentait l'aphrodisiaque du monde arabe, il exprimait parfaitement le sentiment que l'on a pu ressentir en contemplant les cérémonies de réception des criminels libanais par le hezbollah. Pratiquement toute la classe politique libanaise, 8 comme 14 mars, a assisté à l'avènement de Hassan Nasrallah comme dictateur du Liban dans une sorte d'extase sexuelle, tous les hommes présents (les femmes sont juste à côté...) apparaissant comme fascinés par la virilité du chef du mouvement terroriste chiite libanais. Walid Joumblaat, hier opposant féroce du hezb, semble aujourd'hui son plus grand héraut, et l'union nationale apparaît enfin complète avec le retour au pays de l'enfant prodigue, Kuntar, qui a eu la délicatesse de fracasser le crâne d'une enfant de 4 ans en Israël. Chacun maintenant collabore à la seule résistance légitime au Moyen-orient : non pas le rejet de l'intolérance, du racisme ou de l'inégalité homme-femme pour faire avancer la civilisation, mais la lutte contre Israël, seule capable de faire jouir les foules et de rassembler autant d'abrutis dans le culte de la criminalité.

    Pourquoi ces événements sont-ils si tristes ? Est-on obligatoirement un sioniste pur et dur quand on a des envies de meurtre devant la ferveur populaire libanaise ? Ces célébrations m'ont brisé le coeur, non pas que je plaigne Israël dans l'échange, mais plutôt parce que la pitié m'étreint en découvrant la nouvelle donne du jeu politique libanais. Désormais, le Liban est uni dans sa quête imbécile contre son voisin du sud. Je sais pertinemment que nombreux sont les Libanais opposés au hezbollah, et ils doivent se sentir bien seuls désormais. Les fêtes kitsch du retour des cinq prisonniers libanais, qui brisent symboliquement des barreaux de prison en bois pour arriver sur la scène où on les acclame comme des héros, montrent avec force que le Liban bascule la tête (?) la première dans la continuation de la guerre froide, mettant aux prises non plus démocraties et pays communistes, mais pays développés et dictatures néo-fascistes. C'est donc avec tristesse qu'on imagine la suite des événements pour le Liban, qui a suscité tellement d'espoirs dans la région, avec sa fragile démocratie, sa coexistence communautaire pas toujours heureuse et ses batailles électorales perdues d'avance. Sans compter ses médias qui risquent de connaître des jours peu déontologiques, les patrons de presse étant tous impliqués dans la bataille du pouvoir.

    Quand on aime le Liban, on s'inquiète de le voir si mal en point se réjouir avec fougue de sa mauvaise fortune. Il devrait être au lit, fiévreux, à combattre ses virus avec des anticorps, et il préfère danser dans un froid glacial en se réjouissant de la bonne avancée de sa maladie. On se doute qu'Israël saura laver les affronts, et Kuntar vivra le reste de sa vie dans la peur, et non comme il l'affirme en libérant les fermes de Chebaa. Mais tout le monde perdra dans ces affrontements futurs qui ne servent au final qu'à imposer la volonté politique de criminels contre l'humanité à des masses qui portent des œillères. De notre côté, on peut continuer à soutenir le Liban démocratique, en se demandant toutefois avec angoisse qui seront les leaders qui le représenteront. Et espérer fortement que le prochain conflit fasse le moins de victimes possibles, en envoyant les cochons de guerre là où ils peuvent faire l'amour non pas avec 70 vierges, mais avec celui qui les met dans une transe amoureuse qu'on n'avait pas vu depuis Hitler quand il proposait de brûler les juifs. Je sais qu'on retrouve le point Godwin, mais l'histoire se répète pour ceux qui l'ignorent. Souvenez-vous du poème de Martin Niemöller, que je cite souvent dans ce blog, et observez avec vigilance ce qui se passe au Liban.

    Quand ils sont venus chercher les communistes,
    je n'ai rien dit, je n'étais pas communiste.

    Quand ils sont venus chercher les syndicalistes,
    je n'ai rien dit, je n'étais pas syndicaliste.

    Quand ils sont venus chercher les juifs,
    je n'ai rien dit, je n'étais pas juif.

    Quand ils sont venus chercher les catholiques,
    je n'ai rien dit, je n'étais pas catholique.

    Puis ils sont venus me chercher.
    Et il ne restait personne pour protester...

    Pasteur Martin Niemoller (1892-1984), Dachau 1942


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