• Apocalypse joyeuse

    Le mercredi 17 juillet, l'échange macabre entre Israël et le Liban a donné lieu à des réjouissances orchestrées et mises en scène par le Parti de Dieu. L'ancien prisonnier Samir Kuntar a été salué comme un héros national, lui dont le fait d'armes est d'avoir fracassé le crâne d'une enfant de quatre ans après avoir abattu son père sous ses yeux. Sur cette mascarade ignominieuse, pas une ligne dans les journaux. Hormis cet article de Robert Fisk dans l'Independant, celui de Gaby Naser dans L'Orient-Le Jour. Et WIL sur son blog.

     

    Lorsque Hassan II, défunt despote marocain, affirmait qu'Israël représentait l'aphrodisiaque du monde arabe, il exprimait parfaitement le sentiment que l'on a pu ressentir en contemplant les cérémonies de réception des criminels libanais par le hezbollah. Pratiquement toute la classe politique libanaise, 8 comme 14 mars, a assisté à l'avènement de Hassan Nasrallah comme dictateur du Liban dans une sorte d'extase sexuelle, tous les hommes présents (les femmes sont juste à côté...) apparaissant comme fascinés par la virilité du chef du mouvement terroriste chiite libanais. Walid Joumblaat, hier opposant féroce du hezb, semble aujourd'hui son plus grand héraut, et l'union nationale apparaît enfin complète avec le retour au pays de l'enfant prodigue, Kuntar, qui a eu la délicatesse de fracasser le crâne d'une enfant de 4 ans en Israël. Chacun maintenant collabore à la seule résistance légitime au Moyen-orient : non pas le rejet de l'intolérance, du racisme ou de l'inégalité homme-femme pour faire avancer la civilisation, mais la lutte contre Israël, seule capable de faire jouir les foules et de rassembler autant d'abrutis dans le culte de la criminalité.

    Pourquoi ces événements sont-ils si tristes ? Est-on obligatoirement un sioniste pur et dur quand on a des envies de meurtre devant la ferveur populaire libanaise ? Ces célébrations m'ont brisé le coeur, non pas que je plaigne Israël dans l'échange, mais plutôt parce que la pitié m'étreint en découvrant la nouvelle donne du jeu politique libanais. Désormais, le Liban est uni dans sa quête imbécile contre son voisin du sud. Je sais pertinemment que nombreux sont les Libanais opposés au hezbollah, et ils doivent se sentir bien seuls désormais. Les fêtes kitsch du retour des cinq prisonniers libanais, qui brisent symboliquement des barreaux de prison en bois pour arriver sur la scène où on les acclame comme des héros, montrent avec force que le Liban bascule la tête (?) la première dans la continuation de la guerre froide, mettant aux prises non plus démocraties et pays communistes, mais pays développés et dictatures néo-fascistes. C'est donc avec tristesse qu'on imagine la suite des événements pour le Liban, qui a suscité tellement d'espoirs dans la région, avec sa fragile démocratie, sa coexistence communautaire pas toujours heureuse et ses batailles électorales perdues d'avance. Sans compter ses médias qui risquent de connaître des jours peu déontologiques, les patrons de presse étant tous impliqués dans la bataille du pouvoir.

    Quand on aime le Liban, on s'inquiète de le voir si mal en point se réjouir avec fougue de sa mauvaise fortune. Il devrait être au lit, fiévreux, à combattre ses virus avec des anticorps, et il préfère danser dans un froid glacial en se réjouissant de la bonne avancée de sa maladie. On se doute qu'Israël saura laver les affronts, et Kuntar vivra le reste de sa vie dans la peur, et non comme il l'affirme en libérant les fermes de Chebaa. Mais tout le monde perdra dans ces affrontements futurs qui ne servent au final qu'à imposer la volonté politique de criminels contre l'humanité à des masses qui portent des œillères. De notre côté, on peut continuer à soutenir le Liban démocratique, en se demandant toutefois avec angoisse qui seront les leaders qui le représenteront. Et espérer fortement que le prochain conflit fasse le moins de victimes possibles, en envoyant les cochons de guerre là où ils peuvent faire l'amour non pas avec 70 vierges, mais avec celui qui les met dans une transe amoureuse qu'on n'avait pas vu depuis Hitler quand il proposait de brûler les juifs. Je sais qu'on retrouve le point Godwin, mais l'histoire se répète pour ceux qui l'ignorent. Souvenez-vous du poème de Martin Niemöller, que je cite souvent dans ce blog, et observez avec vigilance ce qui se passe au Liban.

    Quand ils sont venus chercher les communistes,
    je n'ai rien dit, je n'étais pas communiste.

    Quand ils sont venus chercher les syndicalistes,
    je n'ai rien dit, je n'étais pas syndicaliste.

    Quand ils sont venus chercher les juifs,
    je n'ai rien dit, je n'étais pas juif.

    Quand ils sont venus chercher les catholiques,
    je n'ai rien dit, je n'étais pas catholique.

    Puis ils sont venus me chercher.
    Et il ne restait personne pour protester...

    Pasteur Martin Niemoller (1892-1984), Dachau 1942


  • Commentaires

    1
    Vendredi 18 Juillet 2008 à 21:14
    Gaby Naser
    Son texte est bien envoyé. J'espère pour lui qu'il ne pige pas à Auto Plus… ou à Charlie Hebdo.
    2
    Vendredi 18 Juillet 2008 à 21:25
    Le marri
    devrait veiller à ne pas se brûler ce qu'il lui reste de neurones quand il lance un cocktail Molotov (jouissif, non, le port libre de la robe ?). @ Didu : Je préfère l'article de Fisk et celui de WIL, accompagné de ce magnifique poème. Siné porte plainte, un tribunal jugera.
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    3
    Mardi 22 Juillet 2008 à 18:51
    cette citation du pasteur me glace le sang.
    pourquoi doit-on se résigner à vivre dans ce monde de peurs ? et "elle" qui ne veut ou ne peut rien comprendre, "elle" qui nous crache au visage sa haine et sa violence, pourquoi elle gueule ? --- bientôt l'envol pour un mois de soleil et d'activités passionnante. une dernière dance ?
    4
    Mardi 22 Juillet 2008 à 18:56
    Une dernière danse
    avant l'automne, avec plaisir D, avec bonheur même. Je t'envie pour ton départ et ce que tu vas y faire :o) Qui est l'"elle" violente ? Vivre dans la peur, non, précisément non, nul ne nous y oblige.
    5
    Mardi 22 Juillet 2008 à 19:13
    Nul ne nous y oblige
    Je veux dire : WIL a raison de ne pas craindre de rappeler ce qu'est le Hezbollah, le Parti de Dieu, dont l'idéologie a paru majoritaire au Liban avec une seule idée en tête, massacrer de l'Israélien. Super programme fédérateur pour un pays qui a besoin de tout.
    6
    lascaris
    Jeudi 24 Juillet 2008 à 17:30
    triste liban
    Pauvres Libanais ! Sans le Sionistoland à leur porte je me demande ce qu'ils pourraient avoir en commun ? Encore que je ne doute pas qu'ils auraient créé à défaut un "Juif imaginaire" proclamé source de leurs malheurs. Le monde arabo-musulman est en crise, il est en plein 15ème siècle, il se cherche des sorcières à brûler, des indiens à massacrer, des marranes à débusquer,des hérétiques à pourchasser, un Grand Turc à craindre. Il faut espèrer que dans tout ça la Renaissance et un réformateur à la Luther viendront éclairer ce sinistre paysage.
    7
    Jeudi 24 Juillet 2008 à 18:43
    Bienvenue à vous, Lascaris,
    De fait, le monde arabo-musulman est en souffrance et cette souffrance se traduit par la prégnance des discours fanatiques plein de ressentiments. Abdelwahab Meddeb l'a bien illustré dans "La maladie de l'islam". Votre référence au "juif imaginaire" de Finkielkraut me paraît d'autant plus pertinente que les propos excrémentiels qui se déversent sur Internet depuis "l'affaire Siné" semblent effectivement référer à une figure mythique de sinistre mémoire dont, pourtant, et bien que ma lecture en soit peu avancée, Hannah Arendt avait souligné l'historicité. La confusion, par ailleurs, d'une frange empressée de la gauche et de l'extrême-gauche craignant de délaisser ses nouveaux damnés, trouve ses justifications jusque dans la défense du Hezbollah, dont elle considère la "résistance" supposée héroïque, tout en occultant que, aveuglée par son idéal révolutionnaire, elle a soutenu les Moujahidins du peuple en Iran au moment de la révolution islamique, dont ces derniers furent, évidemment, dès l'avènement, parmi les premières victimes.
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