• © M. K., Le Caire.

    8 commentaires
  • "En vérité, je vous le dis : rien ne s'oppose à ce que Richard Williamson revienne à l'Eglise, contrit, la tête basse et le visage éteint de tout enfant prodigue. Il dit des conneries, beaucoup plus qu'un évêque pourrait en bénir : ce n'est pas là l'essentiel, vu qu'en vingt siècles d'histoire qui ne furent pas de tout repos, l'Eglise a eu son content d'imbéciles autant que de prêtres qui peuplent aujourd'hui l'Enfer. Seulement, ce qui ne sera pas pardonné à M. Williamson c'est d'être un con glorieux. Le pape, qui n'est plus trop avare d'indulgences plénières depuis leur gratuité, peut tout : même pardonner la bêtise d'un homme. Mais là où s'arrête son pouvoir spirituel, c'est lorsque se présente à lui un homme dont la principale occupation n'est pas la justification par les œuvres ni par la grâce, mais la justification par la bêtise la plus crasse. À peine Williamson avait-il nié l'existence des chambres à gaz qu'on le retrouve en train de nier l'attentat du 11 septembre 2001. Il y a un peu de l'Aragon du Traité du style chez cet homme-là : “Je conchie le Vatican dans sa totalité.” Conchie, mon frère, conchie, mais ne nous fait plus ch..."

    François Miclo : Mgr Williamson n'a jamais existé. Sur Causeur. Evidemment.

    2 commentaires
  • - Bonjour, Madame la cliente.
    - Bonjour, Monsieur l'assistant.
    - Cet appel pour m'assurer que vous serez présente demain à la réunion de conciliation.
    - Demain ?
    - Demain sans faute.
    - A deux cents kilomètres d'ici ?
    - Deux cent trente, si vous permettez.
    - Merci et félicitations, la précision est une qualité essentielle chez les juristes. Où dois-je me rendre ?
    - Au tribunal des Prudhommes, quelle question ! Vous ne fréquentez pas les pages jaunes ?
    - Je n'ai reçu aucune convocation.
    - Bien sûr, notre cabinet ne vous a rien envoyé !
    - Vous me rassurez. Je n'ai pas non plus eu connaissance de la requête relative à mon cas.
    - Rien de plus normal, ce qui vous concerne ne vous regarde pas !
    - Suis-je bête. Mon avocat sera-t-il à mes côtés ?
    - Vous n'y songez pas, il est occupé !
    - C'est donc vous qui allez me représenter ?
    - J'ai ce devoir, en effet, comme vous celui de vous présenter à l'heure dite à l'adresse que vous dénicherez.
    - Je suis malheureusement retenue par quelques occupations ici même, rien de bien essentiel, quelques contraintes de salariée.
    - Débrouillez-vous. Ou faxez-moi une bonne excuse pour indisponibilité.
    - Sans quoi ?
    - L'absence du plaignant est mal vue.
    - Evidemment. Puis-je accéder à mon dossier ? Vous savez, celui que j'ai moi-même préparé ?
    - Je crains que ce ne soit impossible, la secrétaire l'a archivé.
    - Celle qui a égaré des pièces ?
    - Je ne sais pas, je vais l'interroger. Je vous tiendrai éventuellement informée.
    - Cette conciliation m'étonne. En toute logique, cette affaire devait passer en jugement direct.
    - Il est vrai, mais que voulez-vous, tout le monde peut se tromper ! Chez les greffiers comme les clients, nul n'est parfait ! Soyez un peu compréhensive.
    - Mea culpa, je suis odieuse. Donc, si j'ai bien compris votre absence de conseil, demain nous constaterons l'inanité de cette réunion et ma présence est cependant obligatoire ?
    - Vous êtes stupide ou vous provoquez ? Absence de conseil ? Mais, je viens de vous appeler ! Et sur votre présence, je vous l'ai déjà dit : c'est obli-ga-toire. Ah, ces clients, faut toujours tout leur expliquer !
    - Pour constater cet infondé, exclusivement ?
    - Naturellement ! Quoi d'autre ? La procédure est fautive ! En cinq minutes, l'erreur sera consignée et vous pourrez rentrer chez vous comme si de rien n'avait été !
    - Chic. Et la procédure non fautive ?
    - Dans moins d'un mois, selon toute probabilité.
    - Cette fois-ci, je serai convoquée ?
    - Si l'on y pense. A cœur vaillant, rien d'impossible !
    - J'aime votre tendance chevalier. Nous ferons connaissance à l'audience, donc.
    - Si j'ai le temps d'étudier ce dossier.

    8 commentaires
  • Pétrie de politesse et victime de mon empathie, sournoise que je suis je refuse régulièrement des invitations à dîner en compagnie de la progéniture exceptionnelle d'amis et néanmoins parents dont la fureur de vivre et le bon goût légendaires cèdent comme fière tour de garde sous les assauts de leurs trébuchets adorés, usant de divers prétextes destinés à leur cacher hypocritement la véritable nature de ces ajournements successifs. Pierre Jourde en fait état dans le magnifique L'heure et l'ombre, dont je conseille vivement la lecture aux amoureux de littérature.
    J'en voudrais presque à ces splendides écrivains qui, tout en m'insufflant le bonheur de les lire, flattent ma paresse, décrivant à ma place ces moments délicieux de la vie en société.

    "J'avais à peine attaqué l'ouverture que ma voix était couverte par un bruit de déflagrations. Le poème brandissait une mitraillette futuriste, qui émettait des lueurs fluorescentes. Inébranlables, mes hôtes ne se départissaient pas d'un sourire accroché à perpétuité sur leurs visages. Mon effet était manqué. J'ai poursuivi, héroïquement, sur fond de combats de rue à Beyrouth.

    Ni Jean-Luc ni ma collègue ne m'écoutaient vraiment. De temps à autre, Jean-Luc était pris d'une sorte de réflexe qui devait être assez handicapant à la longue. Son regard continuait à se diriger vers moi, sa main servait le vin de pêche, mais sa bouche articulait, toujours sur le même ton, deux syllabes. Au début, j'ai cru qu'il s'agissait d'un tic que le malheureux ne parvenait pas à contrôler. Puis j'ai compris qu'il s'agissait du prénom de son fils. Geoffrey. Il disait Geoffrey à des moments a priori aléatoires, toujours de la même manière : la dernière syllabe étirée jusqu'à l'épuisement, longtemps nasalisée dans une modulation plaintive, avec une trace de vibrato, mais à peine.
    Ce n'est qu'au bout de trois ou quatre occurrences que m'est apparue la signification de cette émission sonore. Jean-Luc exerçait par elle l'autorité paternelle. Du moins tels étaient, dans sa bouche, les vestiges pétrifiés de l'autorité, dont Jean-Luc devait vaguement savoir qu'elle avait existé, il y a bien longtemps, dans un autre monde. (...) Il meuglait, pathétique bovin émasculé, la nostalgie d'un âge qu'il n'avait pas connu, où les parents étaient des parents et les enfants des enfants.

    Le poème ne tenait pas longtemps une activité. Il a allumé la télévision, joué quelque temps à un jeu vidéo (...). Ses parents ne me regardaient même plus. Hypnotisés, ils fixaient les exploits virtuels de l'Alcide que, visiblement, ils s'étonnaient encore d'avoir réussi à engendrer."


    Pierre Jourde, L'heure et l'ombre - L'Esprit des péninsules, 2006.


    PS à l'usage de ma lectrice préférée : Baz est par nature exclu de cet ensemble.


    2 commentaires



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires